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Comme promis dans mon précédent billet sur Medellin, je vous parle aujourd’hui de la Comuna 13. Peut-être le secteur le plus tristement connu de cette ville.

Pourtant, s’il était synonyme de violence, de guerre, de meurtres, de viols, de règlements de compte il y a de cela une dizaine d’années, il est devenu aujourd’hui un exemple de transformation.

La Comuna 13 avant 2002

Laissez-moi vous planter le décor, un décor terrifiant où tout, absolument tout, est réuni pour faire de ce quartier un enfer sur terre. Aussi horrifiante soit la description que je vais vous en faire, elle est malheureusement véridique.

Les protagonistes

Imaginez, après la mort de Pablo Escobar, le retranchement de nombreux gangs et autres cartels de la drogue dans les hauteurs de Medellin.

Imaginez que ce lieu fut également privilégié par les guérillas d’extrême-gauche ainsi que par les paramilitaires d’extrême-droite.

Imaginez que chacun de ces trois clans, évidemment incapables de cohabiter, soient également divisés en leur sein.

Imaginez enfin une population pauvre de deux cent mille habitants, prise en otage, dans l’incapacité totale de fuir, topographie oblige.

Le terrain

Imaginez un secteur agrippé aux flans de la montagne surplombant Medellin, aux accès compliqués.

Impossible d’y pénétrer, voire même simplement de s’en approcher, sans être remarqué par les sentinelles haut-perchées, lourdement armées. Impossible de fuir sans risque de se faire tuer… Personne n’y rentre, personne n’en sort. Ni la police, ni les innocents.

Imaginez des escaliers abruptes, des recoins sombres, des ruelles insalubres.

L’ambiance

Imaginez enfin les jeunes endoctrinés, imaginez les parents pleurant leurs enfants, imaginez les cadavres s’entassant, imaginez les femmes violées publiquement, imaginez les cris de lamentation, les gémissements de la torture, les deals, la drogue, les armes, la violence, les balles perdues, les exécutions… Sans aucune chance d’amélioration.

Bienvenue dans l’enfer sur terre de la Comuna 13!

Trois opérations militaires

Vous vous demandez certainement comment ce secteur torturé a pu devenir un quartier ultra touristique, tourné vers l’avenir. «Grâce» à (ou «à cause de», c’est selon…) différentes opérations militaires. Pourquoi hésiter sur les termes à employer? Car, vous vous en doutez, les opérations militaires colombiennes ne sont pas toujours exemptes d’irrégularités.

L’opération Mariscal

Cette première opération se déroula le 29 mai 2002. Neuf cents hommes de la force publique envahirent la Comuna 13. Résultat: un échec cuisant. La présence sur place de la presse et d’organisations de défense des droits de l’homme, témoins des exactions des militaires sur une population innocente, limita «la casse». L’opération se soldera par la mort de neuf civils (dont quatre enfants), trente-sept blessés et cinquante détentions arbitraires.

L’opération Antocha…

… fut un échec total… No comment!

L’opération Orion

Cette opération se déroula le 16 octobre 2002, date à laquelle quelques trois milles hommes (armée, police, bataillons,…) se lancèrent à l’assaut de la Comuna.

Si cette opération de délogement des différents groupes mentionnés précédemment est une réussite, les pertes civiles sont énormes… bien qu’aujourd’hui encore difficiles à chiffrer, les morts ayant étés sauvagement dissimulés dans des décharges publiques… On ne parlera alors que de «disparitions forcées».

La Comuna 13 aujourd’hui

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas ici pour juger les actions passées, ni même pour faire le procès du gouvernement d’alors. Non… Je suis ici pour vous parler d’un secteur que j’ai visité en famille, que j’ai découvert estomaquée, que j’ai aimé. Un secteur coloré, empreint de positivisme et de bonne humeur. Un secteur désenclavé grâce au travail acharné de la maire de Medellin, notamment grâce à un réseau d’escalators qui relie enfin la Comuna 13 au reste de la ville.

Un secteur certes toujours pauvre, mais fier du chemin parcouru.

J’appréhendais…

…non pas une violence résiduelle, mais d’éprouver une sensation de voyeurisme à me balader dans ses rues en écoutant un guide local m’expliquer les atrocités qui y ont été perpétrées. J’avais peur de véhiculer l’image d’une riche venue d’Europe à la recherche d’un exotisme violent. Mais ce que le touriste découvre n’est pas l’exhibition morbide, mais pour autant lucrative, d’un passé sordide. Il y découvre une énergie propre à une population qui se bat pour son coin de Paradis. Il y découvre une histoire placardée sur les murs des barrios, rappelant l’enfer du passé, mais surtout la beauté du présent et l’espoir en l’avenir. Il ne s’agit pas de se lamenter sur les atrocités perpétrées en ces lieux, il n’y a pas si longtemps de ça.

Il s’agit de profiter de cette deuxième chance qui leur est offerte. Et je peux vous assurer que les habitants de la Comuna 13 sont non seulement conscients que leur avenir est dans leurs mains, mais qu’ils travaillent dur pour préserver ce qu’ils ont si durement acquis.

3 Commentaires

  1. Anastase de Saint-Senestre

    morts ayant étés sauvagement dissimulés

    J’adore la formule.

    On sent l’ambition littéraire. je ne savais pas que l’on pouvait sauvagement dissimuler. sauvagement jeter oui mais sauvagemetnt dissimuler c’est audacieux. Un peu comme bruyamment réfléchir…

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    • Stéphanie Vidonne

      Cher Anastase, navrée de vous décevoir, la formule n’est pas de moi mais de WordPress. Quoi qu’il en soit, en effet, vous avez été sauvagement dissimulé. Ce qui sera d’ailleurs le cas de tous vos prochains mots doux. Si je vous ai trouvé initialement divertissant, je vous trouve maintenant lassant. En outre, il n’y a pas de place pour la haine sur mon blog. Notre belle relation s’arrête donc ici.

      Réponse

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  1. Medellin vs Bogota - Stéphanie Vidonne - […] Je vous parlerai, dans un prochain billet, des barrios dits de la Comuna 13, à Medellin. […]

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