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Est-ce parce que nous sommes un chouilla babacool? Parce que nous adorons la nature? Parce que nous aimons les expériences vraies? Ou parce que Mama Orbe et sa famille sont des gens extraordinaires? Quelques soient les raisons qui nous ont fait adorer cette ferme à tortues, il me parait essentiel de consacrer un billet à ce lieu magique et à ces personnes qui m’ont redonné foi en l’humanité. Des gens intrinsèquement bons qui se dévouent corps et âmes à la préservation des tortues marines.

Bienvenue chez Mama Orbe, son mari, ses deux fils, leurs poules, leurs chiens, leur chat pot-de-colle, leur coq partiellement aphone, leurs centaines de bébés tortues en devenir, leurs squatteurs, leurs amis, leurs hôtes, et j’en passe.

Sur la plage de Cuevita

Tout d’abord, pour accéder à la ferme à tortues de Mama Orbe, il faut s’armer de patience. Déjà, il faut réussir à accéder au Choco, ce qui n’est pas toujours évident. Puis, depuis l’aéroport, il faut prendre un mini-bus bondé ou un tuc-tuc, qui devront tous deux affronter une petite route improbable serpentant dans la forêt. Direction El Valle.

Une fois-là bas, il faut espérer que la marée soit basse et que des motos soient disponibles pour vous mener à la ferme de Mama Orbe. Deux petits ponts à traverser, quatre kilomètres de plage et vous voilà arrivés! Ouf!

Un accueil familial pour un confort des plus spartiate

Pas de grand lobby, pas de réception, pas de chichi. Ici, on vous accueille en tongues et en short. Ici, on dort dans des cabanes rudimentaires. Ici, on vous propose de casser la croûte en compagnie de la famille (au son de Mama Orbe criant «A coooommmmmeeeeeeeeeeer»).

Ici, on se lave à l’eau de pluie, on mange les légumes du jardin et on se lève avec le coq au petit matin (sauf qu’ici, le coq ne sert). Un retour au source de ce qu’est l’hospitalité vraie. Mon dieu que ça fait du bien!

Une vocation

Mais venons-en aux choses sérieuses: la préservation des tortues. La famille de Mama Orbe habite ces terres depuis de nombreuses années. Une longue plage désertique sur laquelle les mamans tortues viennent pondre leurs œufs.

Malheureusement, la triste réalité les a rapidement heurtée: une diminution drastique du nombre d’individus. Ils ont alors décidé de prendre les choses en main en se consacrant à la sauvegarde de cette espèce vulnérable.

De nombreuses menaces

Les menaces qui pèsent sur cette espèce sont nombreuses: pollution, prises accidentelles dans les filets de pêche, commerce illicite des tortues pour leur viande et pour l’effet soit disant aphrodisiaque de leur carapace ou encore menaces naturelles (prédateurs).

La famille de Mama Orbe (ici Diego, un de ses fils) a donc décidé de se consacrer à la préservation de cet animal emblématique.

Un travail diurne et nocturne

Pour avoir été témoin du travail accompli par cette famille, je peux vous assurer qu’il s’agit d’un sacerdoce. Jour et nuit, leur emploi du temps est dicté par les différentes étapes nécessaires à la préservation de l’espèce en question. Laissez-moi vous détailler leur travail.

Estefania, nos vamos!

Estefania, c’est mon nom ici. Parce que Stéphanie, ils n’y arrivent pas! Il est 20h. La nuit est relativement sombre. Il est l’heure de partir sur la plage à la recherche des nids de tortues. Sans lumière, pour ne pas les effrayer. En compagnie de Pedro, un des fils de Mama Orba, j’ai donc cheminé, ultra concentrée pour ne pas me vautrer sur une branche, le long de la plage de 8 kilomètres, à la recherche des si précieux œufs. On a papoté. J’ai essayé d’apprécier un ciel étoilé d’une pureté absolue (ici, zéro pollution lumineuse). J’ai regardé les chiens qui nous accompagnaient, courir, heureux, dans tous les sens.

Le jaguar

Voilà une petite traduction d’une des nombreuses conversations que j’ai eues avec Pedro.

  • Mais en fait, Pedro, c’est juste pour le plaisir des chiens que tu les prends?
  • Ah ben non, tu vois là-bas?
  • Là où on va?
  • Oui. Et bien c’est le territoire des jaguars.
  • Tu plaisantes j’espère.
  • Non! Les chiens, ils sont là pour donner l’alerte en cas d’attaque.
  • Nan, mais c’est une blague?
  • Non. Tu as peur (me demande-t-il en rigolant)?
  • Un chouilla, quand même!
  • Oh tiens regarde, me dit-il après avoir allumé sa lampe torche. Ca, c’est les traces des chiens. Et ça, tu vois? On dirait une grosse patte de chat. C’est une trace du jaguar.
  • Il est passé là juste avant?
  • Génial, hein? Mais dis-moi, Estefania, tu sais quoi faire si jamais on le voit, n’est-ce pas?
  • Me faire pipi dessus?
  • Tu peux. Tant que tu ne lui tournes pas le dos.

Bref, vous l’aurez compris, j’ai donc marché pendant près d’une heure et demi en pétant de trouille à côté de Pedro qui trouvait ça très drôle.

Bien qu’il ait fini par admettre que tomber nez à nez avec un jaguar peut potentiellement s’avérer dangereux. Voire mortel.

  • Mais ne t’inquiète pas Estefania, on est un groupe solide, le jaguar le sent. On ne risque rien.

Ce à quoi j’ai évidemment répondu:

  • Si tu estimes qu’un mec mort de rire et une nana qui se fait dessus de peur est un groupe solide, alors on est mal barré.

Pas de tortues

Bref. Nous avons cheminé, rigolé et claqué de dents pendant une heure et demi, et pas de tortues. Mais surtout pas de bol. Il se trouve qu’elles sont sorties après mon passage. Mais j’ai passé un moment inoubliable. A bien des égards.

2 h du mat

Non, je ne vais pas vous faire croire que je me suis levée à deux heures du mat. Mais c’est ce que fait le mari de Mama Orbe pour s’assurer de ne louper aucun nid. Il se lève au petit matin, comme il dit, et arpente la plage. Moi, je roupille.

Les œufs dans des « incubateurs »

Une fois de retour à la ferme, les œufs déterrés sont ré-enterrés dans les conditions se rapprochant le plus de celles observées dans la nature, les prédateurs en moins. Ils les enterrent à la même profondeur que la maman tortue afin de reproduire les conditions d’incubation voulues par cette dernière. Ici, une photo de l’enclos dans lequel sont enterrés les œufs. Les bouchons ne servent qu’à indiquer la position du nid.

Deux mois plus tard, voilà que naissent entre 50 et 100 bébés tortues!

C’est parti pour le grand bain

Une fois les bébés tortues sortis de leurs œufs, Pedro et sa famille les laissent gigoter plusieurs heures dans une boîte, ce afin de leur permettre de se muscler les nageoires. Cette étape n’existe évidemment pas dans la nature. Il s’agit de leur donner encore un petit coup de pouce supplémentaire qui sera le bienvenu à l’heure d’affronter les vagues de l’océan Pacifique. Ces quelques heures passées, les bébés tortues sont déposés sur le sable et leur instinct de survie fait le reste.

Rapidement, ces minuscules petits machins utilisent toute leur force et toute leur volonté pour avancer en direction de vagues vingt fois plus grandes qu’eux. Un moment émouvant, riche d’apprentissages.

On se revoit dans 25 ans!

Diego m’a expliqué que les bébés sont relâchés sur le sable et non pas directement en pleine mer, pour s’assurer que ces tortues, une fois matures, reviennent pondre sur cette même plage. Dans 20 à 25 ans!

Quelques informations supplémentaires

En vrac, quelques infos supplémentaires:

  • Grâce à leur travail acharné, le taux de survie des bébés tortues passent de 1% en milieu naturel à 10%.
  • Tous les mois, ils doivent changer le sable de l’incubateur, afin de l’aérer et de le «nettoyer» des coquilles des œufs déjà éclos. Des kilos et des kilos de sable à déplacer.
  • Le mari de Mama Orbe a essuyé une attaque de jaguar. Il a réussi à s’en échapper en agitant une pèlerine pour paraître plus grand et en frappant le sol avec sa machette. Et non, il ne s’est pas fait pipi dessus. Ca, ça sert à rien.
  • Tous les jours, des montagnes de déchets se déposent sur la plage, et notamment devant l’hostel de Mama Orbe. Chaque semaine, ils entassent les déchets trouvés ainsi que les montagnes de bois charriés par l’océan afin de les brûler à tout petit feu. Résignés mais désireux de nettoyer la nature, ils recommencent inlassablement ce processus. Alors qu’eux même ne produisent pour ainsi dire aucun déchet…
  • Ils utilisent une partie des déchets échoués pour décorer leur ferme, pour prendre soin des tortues et même pour se chausser!

Faire un don

Si l’histoire de cette famille hors du commun vous a émue, si vous souhaitez les soutenir d’une quelconque manière, n’hésitez pas à me contacter! Sachez que le moindre petit don est, pour eux, une aide précieuse.

Un jour, nous y retournerons

Si le Choco est éloigné de tout, si cette ferme est difficilement accessible (et croyez-moi, je prie pour qu’elle le reste), si nous ne savons pas où nos prochaines aventures vont nous mener, je sais qu’un jour, nous retournerons voir Pedro et sa famille tant ils nous ont touché de par leur gentillesse, leurs éclats de rire francs et enfantins, leur vocation et leur foi en un avenir meilleur.

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