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Alors que nous babillons, je remarque du mouvement tout au fond du restaurant. Je n’avais pas remarqué que la table sise dans une quasi-obscurité était occupée. Je plisse les yeux et essaie de distinguer ce qui s’y passe.
- Allez demander au serveur, dis-je, désireuse d’écourter la conversation.
- Bonne idée. Navrée du dérangement.
- Oui, c’est ça, bonne soirée.
Violette se dirige en direction du bar alors que je concentre toute mon attention sur le couple qui est assis dans la pénombre. Un homme et une femme. Plus ou moins mon âge je dirais. Je me demande ce qu’ils…
- Bon, ben il s’emblerait que quelqu’un l’ait prise… Le serveur ne l’a pas non plus.
Mais ce n’est pas Dieu possible ! Qu’ont-ils tous aujourd’hui à parasiter le flux de mes pensées ? Je la regarde, malgré tout désolée pour elle, puis tourne la tête en direction du petit couple. J’espère que le peu d’attention que je porte à Violette suffira à la décourager de rester.
- Vous permettez, je peux m’asseoir ?, me demande-t-elle en s’asseyant.
Apparemment pas…
- J’ai besoin d’un verre, me dit-elle.
- Bah alors commandons.
- Un shot. Quelque chose de fort.
- Vous êtes au bon endroit, ils ont des super shots ici.
Et c’est comme ça que, sans m’en rendre compte et le ventre vide, j’ai commencé à être franchement pompette. Pour ne pas dire bourrée. Et malheureusement, pas par mon plan cul. Oh, mais ne faites pas vos effarouchées, m’sieurs dames ! Je ne faisais déjà pas particulièrement dans la finesse avant de boire, alors n’imaginez pas que maintenant que je suis ivre, ça va s’améliorer. C’est comme les compétences sexuelles. S’il y a une amélioration certaine des capacités acrobatiques après quelques verres, la tendance s’inverse drastiquement passé un certain seuil. Le gymnaste se transformant en artiste comique, incapable même d’assurer le plus simple tourniquet tchécoslovaque. J’ai atteint mon seuil.
- Alors dites-moi ? Pourquoi n’êtes-vous pas restée avec Jason ?
- Jason ?, m’interroge Violette.
- Oui, votre compagnon de soirée.
- Il ne s’appelle pas Jason ! D’où ça vous vient qu’il s’appelle Jason ?
- Dans un monde où une femme perd son string aux toilettes, les hommes s’appellent Jason, asséné-je péremptoire. Il s’appelle comment alors ?
- Marc.
- Ah… Moins sexy… Alors pourquoi n’êtes-vous pas restée avec Marc ?
- Ben je sais pas ! Vous, dites-moi, pourquoi je ne suis pas restée avec Marc ?
- Oh, la routine… Trois fois rien… Une pucelle, un connard et une femme trompée.
- Elle n’est pas pucelle, rétorque Violette.
- Qui ?
- Ben la femme dont vous parlez.
- C’est de vous dont je parle.
- C’est de moi dont vous parlez ?
- Oui, c’est vous la pucelle, dis-je à Violette.
- J’ai une tête de pucelle ?
- Vous avez un comportement de pucelle.
- C’est quoi un comportement de pucelle ?, m’interroge-t-elle.
- Ben c’est une fille qui se comporte comme vous.
- C’est n’importe quoi !
- Ben non !
- Ben si, je ne suis pas pucelle.
- Mais alors qui est pucelle ?
- Personne.
- Mais c’est qui l’autre fille ?
- Ben la maîtresse !
- Mais ce n’est pas vous ?, questionné-je perdue.
- Vous quoi ?
- Qui êtes la maîtresse ?
- Ah parce que vous pensiez que j’étais une maîtresse pucelle sans string ? Ca va pas bien dans votre tête, affirme Violette.
- Ben… Ouais, j’imagine que j’ai imaginé que vous étiez tout ça…
- Mais pourquoi je n’aurais plus de string d’ailleurs ?
- Vous l’avez toujours ?
- Oui, bien sûr.
- Parce que… En fait, il y a plusieurs théories, qui vont du string trop petit au string trop mouillé.
- Ca fait longtemps que je ne mouille plus ma culotte devant Marc.
- Ca fait longtemps que vous êtes ensemble ?
- Ca faisait longtemps…
- Que s’est-il passé ?
- J’ai gardé mon string. Et je ne suis plus prête de l’enlever.
- Si vous continuez de boire avec moi ce soir, vous allez finir par l’enlever, croyez-moi, dis-je dogmatique.
- Je…
- Oui ?
- Je crois qu’il est préférable d’éclaircir immédiatement ce sujet. Vous… Vous ne m’attirez pas.
- Je suis moche ?
- Non ! Non… Je veux dire, je ne suis pas lesbienne.
- Ah ben ça je m’en doute un peu.
- Comment ça ?
- Sinon, vous ne seriez pas partie avec Jason.
- Marc.
- Marc.
- Alors pour quelle raison devrais-je enlever mon string ?
- Pour pisser… Terre-à-terre mais essentiel.
- Vous êtes drôle !
- On se divertit comme on peut, répliqué-je sarcastique.
- Vous n’avez pas souvent l’air de vous ennuyer, je trouve.
- C’est vrai, je m’amuse bien.
- Je peux jouer avec vous ?
- Si vous voulez.
- C’est quoi votre jeu ?, s’enquiert Violette.
- Je regarde les couples autour de nous et essaie d’imaginer leur histoire.
- Et en me regardant, vous avez pensé que j’étais pucelle, que j’avais profité d’une visite aux toilettes pour retirer mes sous-vêtements et que j’allais me faire déflorer par un certain Jason, qui devait être en couple avec une autre miss ?
- Exact !
- C’est tout ?
- Non…
- ?
- Je pensais aussi qu’il était circoncis.
- Joli…
- Aaaaah !
- Ne vous réjouissez pas trop vite.
- J’avais tort ?
- Complètement.
- J’avais quand même raison sur un point.
- Lequel ?
- Vous n’êtes pas gouine.
- Et à part vous être trompée sur presque toute la ligne avec moi, continue Violette, qu’avez-vous imaginé d’autre ?
- Il y a eu le couple d’homos, la connasse et moi : le plan cul qui se fait planter.
- Vous aviez rendez-vous ?
- Ouais…
- Avec votre plan cul ?
- Ouais…
- Bizarre, murmure Violette.
- Pourquoi ?
- Parce qu’on ne mange pas avec son plan cul. On s’envoie en l’air avec lui. Point. Fin de l’histoire.
- Vous êtes plutôt calée côté plan cul pour une pucelle.
- Mais puisque je vous dis que je ne suis pas pucelle !
- Et pourquoi je ne peux pas manger avec mon plan cul ?
- Ben entre autres pour éviter ce genre de situation. Un plan cul, on appelle, on fait son affaire, on part. On ne prend pas rendez-vous des mois avant. Il faut de la spontanéité. Pas des chandelles et du vin.
- Vous m’épatez.
- Mais puisque que je vous dis que je ne suis plus vierge depuis longtemps !
- J’avais oublié…
- Bon bref, on regarde qui maintenant ?
- Le petit couple tout au fond du restaurant.
- On ne les voit pas bien.
- Pas grave, on imagine.
- Et on ne voit pas la tête de l’homme ! Il nous tourne le dos.
- Bon ça suffit là ? Soit vous jouez, soit vous partez !
- Je joue. Et alors ?
- Et alors quoi ?
- Ben qu’est-ce qui se passe à votre avis ?
- Je sais pas ! Vous n’arrêtez pas de m’interrompre, je réponds agacée.
- Ok… Je me tais.
- Mais, j’ai quand même une question, dis-je à Violette, c’est qui qui a trompé qui alors ? Je dois admettre que je suis un petit peu perdue.
- Vous le faites exprès, c’est pas possible.
- Non, mais il faut reconnaître que votre histoire n’est pas toute facile à suivre.
- Vous plaisantez ?
- Pardon… Regardez, la femme se lève !
Bonjour, très sympa et stimulant, je trouve. Continuez.
Un point à relever au début de l’extrait, le verbe remarquer figure deux fois…
Bonne journée.