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La ferme à tortues de Mama Orbe

La ferme à tortues de Mama Orbe

Est-ce parce que nous sommes un chouilla babacool? Parce que nous adorons la nature? Parce que nous aimons les expériences vraies? Ou parce que Mama Orbe et sa famille sont des gens extraordinaires? Quelques soient les raisons qui nous ont fait adorer cette ferme à tortues, il me parait essentiel de consacrer un billet à ce lieu magique et à ces personnes qui m’ont redonné foi en l’humanité. Des gens intrinsèquement bons qui se dévouent corps et âmes à la préservation des tortues marines.

Bienvenue chez Mama Orbe, son mari, ses deux fils, leurs poules, leurs chiens, leur chat pot-de-colle, leur coq partiellement aphone, leurs centaines de bébés tortues en devenir, leurs squatteurs, leurs amis, leurs hôtes, et j’en passe.

Sur la plage de Cuevita

Tout d’abord, pour accéder à la ferme à tortues de Mama Orbe, il faut s’armer de patience. Déjà, il faut réussir à accéder au Choco, ce qui n’est pas toujours évident. Puis, depuis l’aéroport, il faut prendre un mini-bus bondé ou un tuc-tuc, qui devront tous deux affronter une petite route improbable serpentant dans la forêt. Direction El Valle.

Une fois-là bas, il faut espérer que la marée soit basse et que des motos soient disponibles pour vous mener à la ferme de Mama Orbe. Deux petits ponts à traverser, quatre kilomètres de plage et vous voilà arrivés! Ouf!

Un accueil familial pour un confort des plus spartiate

Pas de grand lobby, pas de réception, pas de chichi. Ici, on vous accueille en tongues et en short. Ici, on dort dans des cabanes rudimentaires. Ici, on vous propose de casser la croûte en compagnie de la famille (au son de Mama Orbe criant «A coooommmmmeeeeeeeeeeer»).

Ici, on se lave à l’eau de pluie, on mange les légumes du jardin et on se lève avec le coq au petit matin (sauf qu’ici, le coq ne sert). Un retour au source de ce qu’est l’hospitalité vraie. Mon dieu que ça fait du bien!

Une vocation

Mais venons-en aux choses sérieuses: la préservation des tortues. La famille de Mama Orbe habite ces terres depuis de nombreuses années. Une longue plage désertique sur laquelle les mamans tortues viennent pondre leurs œufs.

Malheureusement, la triste réalité les a rapidement heurtée: une diminution drastique du nombre d’individus. Ils ont alors décidé de prendre les choses en main en se consacrant à la sauvegarde de cette espèce vulnérable.

De nombreuses menaces

Les menaces qui pèsent sur cette espèce sont nombreuses: pollution, prises accidentelles dans les filets de pêche, commerce illicite des tortues pour leur viande et pour l’effet soit disant aphrodisiaque de leur carapace ou encore menaces naturelles (prédateurs).

La famille de Mama Orbe (ici Diego, un de ses fils) a donc décidé de se consacrer à la préservation de cet animal emblématique.

Un travail diurne et nocturne

Pour avoir été témoin du travail accompli par cette famille, je peux vous assurer qu’il s’agit d’un sacerdoce. Jour et nuit, leur emploi du temps est dicté par les différentes étapes nécessaires à la préservation de l’espèce en question. Laissez-moi vous détailler leur travail.

Estefania, nos vamos!

Estefania, c’est mon nom ici. Parce que Stéphanie, ils n’y arrivent pas! Il est 20h. La nuit est relativement sombre. Il est l’heure de partir sur la plage à la recherche des nids de tortues. Sans lumière, pour ne pas les effrayer. En compagnie de Pedro, un des fils de Mama Orba, j’ai donc cheminé, ultra concentrée pour ne pas me vautrer sur une branche, le long de la plage de 8 kilomètres, à la recherche des si précieux œufs. On a papoté. J’ai essayé d’apprécier un ciel étoilé d’une pureté absolue (ici, zéro pollution lumineuse). J’ai regardé les chiens qui nous accompagnaient, courir, heureux, dans tous les sens.

Le jaguar

Voilà une petite traduction d’une des nombreuses conversations que j’ai eues avec Pedro.

  • Mais en fait, Pedro, c’est juste pour le plaisir des chiens que tu les prends?
  • Ah ben non, tu vois là-bas?
  • Là où on va?
  • Oui. Et bien c’est le territoire des jaguars.
  • Tu plaisantes j’espère.
  • Non! Les chiens, ils sont là pour donner l’alerte en cas d’attaque.
  • Nan, mais c’est une blague?
  • Non. Tu as peur (me demande-t-il en rigolant)?
  • Un chouilla, quand même!
  • Oh tiens regarde, me dit-il après avoir allumé sa lampe torche. Ca, c’est les traces des chiens. Et ça, tu vois? On dirait une grosse patte de chat. C’est une trace du jaguar.
  • Il est passé là juste avant?
  • Génial, hein? Mais dis-moi, Estefania, tu sais quoi faire si jamais on le voit, n’est-ce pas?
  • Me faire pipi dessus?
  • Tu peux. Tant que tu ne lui tournes pas le dos.

Bref, vous l’aurez compris, j’ai donc marché pendant près d’une heure et demi en pétant de trouille à côté de Pedro qui trouvait ça très drôle.

Bien qu’il ait fini par admettre que tomber nez à nez avec un jaguar peut potentiellement s’avérer dangereux. Voire mortel.

  • Mais ne t’inquiète pas Estefania, on est un groupe solide, le jaguar le sent. On ne risque rien.

Ce à quoi j’ai évidemment répondu:

  • Si tu estimes qu’un mec mort de rire et une nana qui se fait dessus de peur est un groupe solide, alors on est mal barré.

Pas de tortues

Bref. Nous avons cheminé, rigolé et claqué de dents pendant une heure et demi, et pas de tortues. Mais surtout pas de bol. Il se trouve qu’elles sont sorties après mon passage. Mais j’ai passé un moment inoubliable. A bien des égards.

2 h du mat

Non, je ne vais pas vous faire croire que je me suis levée à deux heures du mat. Mais c’est ce que fait le mari de Mama Orbe pour s’assurer de ne louper aucun nid. Il se lève au petit matin, comme il dit, et arpente la plage. Moi, je roupille.

Les œufs dans des « incubateurs »

Une fois de retour à la ferme, les œufs déterrés sont ré-enterrés dans les conditions se rapprochant le plus de celles observées dans la nature, les prédateurs en moins. Ils les enterrent à la même profondeur que la maman tortue afin de reproduire les conditions d’incubation voulues par cette dernière. Ici, une photo de l’enclos dans lequel sont enterrés les œufs. Les bouchons ne servent qu’à indiquer la position du nid.

Deux mois plus tard, voilà que naissent entre 50 et 100 bébés tortues!

C’est parti pour le grand bain

Une fois les bébés tortues sortis de leurs œufs, Pedro et sa famille les laissent gigoter plusieurs heures dans une boîte, ce afin de leur permettre de se muscler les nageoires. Cette étape n’existe évidemment pas dans la nature. Il s’agit de leur donner encore un petit coup de pouce supplémentaire qui sera le bienvenu à l’heure d’affronter les vagues de l’océan Pacifique. Ces quelques heures passées, les bébés tortues sont déposés sur le sable et leur instinct de survie fait le reste.

Rapidement, ces minuscules petits machins utilisent toute leur force et toute leur volonté pour avancer en direction de vagues vingt fois plus grandes qu’eux. Un moment émouvant, riche d’apprentissages.

On se revoit dans 25 ans!

Diego m’a expliqué que les bébés sont relâchés sur le sable et non pas directement en pleine mer, pour s’assurer que ces tortues, une fois matures, reviennent pondre sur cette même plage. Dans 20 à 25 ans!

Quelques informations supplémentaires

En vrac, quelques infos supplémentaires:

  • Grâce à leur travail acharné, le taux de survie des bébés tortues passent de 1% en milieu naturel à 10%.
  • Tous les mois, ils doivent changer le sable de l’incubateur, afin de l’aérer et de le «nettoyer» des coquilles des œufs déjà éclos. Des kilos et des kilos de sable à déplacer.
  • Le mari de Mama Orbe a essuyé une attaque de jaguar. Il a réussi à s’en échapper en agitant une pèlerine pour paraître plus grand et en frappant le sol avec sa machette. Et non, il ne s’est pas fait pipi dessus. Ca, ça sert à rien.
  • Tous les jours, des montagnes de déchets se déposent sur la plage, et notamment devant l’hostel de Mama Orbe. Chaque semaine, ils entassent les déchets trouvés ainsi que les montagnes de bois charriés par l’océan afin de les brûler à tout petit feu. Résignés mais désireux de nettoyer la nature, ils recommencent inlassablement ce processus. Alors qu’eux même ne produisent pour ainsi dire aucun déchet…
  • Ils utilisent une partie des déchets échoués pour décorer leur ferme, pour prendre soin des tortues et même pour se chausser!

Faire un don

Si l’histoire de cette famille hors du commun vous a émue, si vous souhaitez les soutenir d’une quelconque manière, n’hésitez pas à me contacter! Sachez que le moindre petit don est, pour eux, une aide précieuse.

Un jour, nous y retournerons

Si le Choco est éloigné de tout, si cette ferme est difficilement accessible (et croyez-moi, je prie pour qu’elle le reste), si nous ne savons pas où nos prochaines aventures vont nous mener, je sais qu’un jour, nous retournerons voir Pedro et sa famille tant ils nous ont touché de par leur gentillesse, leurs éclats de rire francs et enfantins, leur vocation et leur foi en un avenir meilleur.

El Choco

El Choco

Ce nom ne vous dit probablement rien. Et pourtant, nous venons de vivre une semaine exceptionnelle au Choco. Laissez-moi vous présenter la côte pacifique colombienne.

Sal si puedes

Entendez par là: «pars si tu peux». Non pas que les gens souhaitent partir du Choco, mais bien plus qu’il est difficile tant d’y accéder que de quitter ce Paradis.

Arriver au Choco

Pour arriver au Choco, il n’y a pas mille et une façons: la mer ou les airs. Aucune route n’accède à cette région reculée de la Colombie (et c’est une bénédiction).

En outre, l’aéroport est fréquemment balayé par les tempêtes du Pacifique et ne peut donc vous garantir un horaire régulier ni même que votre avion partira effectivement le jour prévu.

La forêt, l’océan et quelques habitants

Le Choco, c’est un territoire grand comme la Suisse accolé à l’océan Pacifique. Un territoire dans lequel l’homme n’a pas encore tout détruit. Où les animaux sont rois et les humains quasi absents. La preuve? La densité de population dépasse à peine 8 habitants au kilomètre carré. Tout n’y est que faune et flore. Ou presque (j’y reviendrai plus tard).

Nous sommes littéralement tombé amoureux de cette région préservée mais aussi de certains de ses habitants qui ont su nous redonner foi en l’humanité.

Une faune époustouflante

Ici cohabitent tortues marines, jaguars (ça aussi j’y reviendrai!), singes, oiseaux, dauphins, myriade de lucioles mais aussi baleines!

Si vous venez au Choco entre juin et septembre, vous aurez en effet la chance de tomber nez à nez avec des baleines qui viennent ici mettre bas. Les habitants de la région aiment d’ailleurs à nommer la baie du Choco «la salle d’accouchement».

Que ce soit donc dans le cadre d’une excursion en bateau ou simplement lorsque vous vous promenez sur la plage, vous les verrez sauter, jouer, nager ou croiser au loin. Un spectacle époustouflant qu’il convient d’admirer.

Une flore impénétrable

Si les jardins des quelques hostels qui ont colonisé la région se font le reflet de l’Eden, remplis de mille et une fleurs toutes plus colorées les unes que les autres, la forêt elle-même y est dense et difficilement accessible.

Pour avoir eu la chance de fraterniser avec un vieux marin du coin qui nous a emmené, mes enfants, mon mari et moi-même, en dehors des sentiers battus pour une balade en forêt, je peux vous assurer que c’est un spectacle émouvant. Arbres séculaires, petites fougères, fleurs éclatantes. Il n’y a pas un coin de terre laissé à nu.

Sans parler des cascades qui, soudain, émergent de la végétation, offrant une baignade bienvenue dans l’une des nombreuses piscines naturelles!

L’une des plus belles de la région: la cascade du Tigre. Pas facile d’y grimper, surtout avec des minus qui s’agrippent à vos épaules, mais croyez-moi, la balade (et la baignade) en valent la peine.

La force de la nature…

Ce qui ne manque pas de frapper le voyageur fraîchement débarqué est la force des éléments qui semblent littéralement posséder les lieux. Si la nature, comme je l’ai précédemment explicité, est souveraine, elle sait également déchaîner ses foudres et nos réduire à l’état de spectateurs béats d’admiration. Bien qu’un chouilla inquiets par moment.

Les orages se déchaînent sur la région, pouvant parfois durer une nuit entière. Le vent souffle, les trombes d’eau s’abattent sur les maisons (de bois et de tôles), les éclaires explosent dans la nuit noir alors que l’électricité est coupée. Attendre que ça passe et espérer finalement réussir à fermer l’œil… pour découvrir au petit matin la force de l’océan Pacifique. Un océan qui charrie des montagnes de bois, de troncs, de branches, de souches d’arbres qu’il dépose en suite sur la plage.

…vs la bêtise humaine

Malheureusement, si l’océan transporte inlassablement les fragments d’une nature délitée, il se retrouve bien malgré lui convoyeur des déchets humains. Je suis restée choquée devant la montagne de plastiques, petits et grands, qui s’échoue jour après jour après jour sur des plages désertiques. C’est inimaginable. Et il est urgent, pour ne pas dire vital, que nous changions notre mode de consommation. Vous ne me croyez pas? Jugez par vous-même…

Voilà un petit film que j’ai moi-même tourné sur une plage… Je pense que tout est dit…

El Valle

C’est le nom du bled dans lequel nous avons choisi de poser nos valises pour quelques jours, avant de nous diriger plus au sud, en direction d’une ferme à tortues. Cette dernières fera l’objet d’un billet à part.

Une atmosphère indolente, bercée de musiques aux sonorités sud-américaines, des routes en terre empruntées par les quelques tuc-tuc qui y circulent, des resto servant des poissons fraîchement pêchés et une ambiance qui nous a, du moins en apparence, rappelé le Sénégal qui nous manque tant.

La Colombie reste la Colombie…

Eh oui… Je ne peux vous cacher le revers de la médaille. Si la nature est magnifique et préservée, le business colombien y est le même que dans le reste du pays. La cocaïne y est omniprésente et il suffit d’ouvrir un tout petit peu l’œil pour découvrir que tout n’est pas si rose. Malheureusement pour les habitants de la région, les règlements de compte y sont légion, le transport de drogue un boulot comme un autre et les tensions et la misère qui en découlent bien présents. Mais je tiens à rassurer amis et familles: il est très facile de rester loin de ce commerce illicite et dangereux et de ne pas prendre le moindre risque. Les zones «touristiques» ne sont pas affectées par les menaces relatives au trafic de drogue. Et la magie du lieu opère malgré tout!

Prochain billet: la ferme à tortues de Mama Orbe et sa famille!

Nos conseils avec des enfants

Vous vous rendez au Choco ? Voilà nos conseils.

Quand partir?

La meilleure saison pour partir au Choco est sans conteste de juin à septembre. C’est à cette période que le nombre de baleines est le plus élevé. C’est également à cette période que la majorité des tortues viennent mettre bas (bien qu’il soit possible également de les voir le reste de l’année).

Où loger?

Bahia Solano, la ville dans laquelle vous allez certainement atterrir, n’a pas d’intérêt. Voire peut-être dangereuse. Nous vous conseillons donc de partir directement direction el Valle. Petit village qui se situe entre la plage de Cuevita et de l’Almejal. Cette dernière se situe à 10 minutes à pied du village et de nombreux petits hôtels proposent des logements, à différents prix.

Il est possible, depuis El Valle, de participer à toutes les activités qui motivent un voyage au Choco!

Activités

Voilà la liste des sorties et activités « child-friendly ». Je commente cependant certaines sorties qui sont un petit peu périlleuses.

  • Parc Utria, balade dans les mangroves et playa Blanca.
  • La cascade du Tigre. Attention, il est possible de visiter une plage qui se situe sur la droite de la cascade du Tigre. La plage en vaut la peine, mais la marche est fatigante avec des enfants en bas âge. La cascade du Tigre, quant à elle, est composée de trois piscines naturelles. Le chemin est très glissant. Je vous déconseille de monter tout en haut avec de jeunes enfants. Nous l’avons fait, la plus-value n’en vaut pas la peine. Le chemin est très périlleux A titre d’information, c’est le guide qui a descendu mon fils, car je n’y arrivais pas!
  • Tour en bateau pour découvrir les baleines. Il est possible de prendre part à un tour organisé par des biologistes. Nous ne l’avons pas fait car la sortie dur beaucoup trop longtemps avec des enfants. Si vous n’avez pas d’enfants, c’est hautement conseillé!
  • Tant pour le tour « baleines » que pour le tour « cascade du Tigre », nous vous conseillons de vous rendre à l’hôtel del Nativo, sur la plage de l’Almejal. vous serez accueilli par un vieux marin bougon, mais qui est pourtant absolument adorable une fois la carapace tombée.
  • Visite de la ferme à Tortues de mama Orbe. Je vous dis tout sur cette activité ici.

Attention

  • Tous les paiements se font cash et le seul distributeur de billets se situe à Bahia Solano. Et évidemment, il ne fonctionne pas toujours… Je vous conseille de faire des versements aux hôtels dans lesquels vous allez séjourner pour ne pas devoir garder trop d’espèces sur vous.
  • Vous devrez vous acquitter d’une taxe d’entrée et de sortie en arrivant et sortant du Choco.
  • Les courants de l’océan Pacifique sont très très très très forts! Il est totalement déconseillé de se baigner à marée descendante. Par contre, dès que la marée est basse, c’est un paradis pour les enfants!

Pour d’autres infos

Je vous invite à visiter un blog qui est top: https://monvoyageencolombie.com/ou-voir-les-baleines-en-colombie/

 

La Comuna 13

La Comuna 13

Comme promis dans mon précédent billet sur Medellin, je vous parle aujourd’hui de la Comuna 13. Peut-être le secteur le plus tristement connu de cette ville.

Pourtant, s’il était synonyme de violence, de guerre, de meurtres, de viols, de règlements de compte il y a de cela une dizaine d’années, il est devenu aujourd’hui un exemple de transformation.

La Comuna 13 avant 2002

Laissez-moi vous planter le décor, un décor terrifiant où tout, absolument tout, est réuni pour faire de ce quartier un enfer sur terre. Aussi horrifiante soit la description que je vais vous en faire, elle est malheureusement véridique.

Les protagonistes

Imaginez, après la mort de Pablo Escobar, le retranchement de nombreux gangs et autres cartels de la drogue dans les hauteurs de Medellin.

Imaginez que ce lieu fut également privilégié par les guérillas d’extrême-gauche ainsi que par les paramilitaires d’extrême-droite.

Imaginez que chacun de ces trois clans, évidemment incapables de cohabiter, soient également divisés en leur sein.

Imaginez enfin une population pauvre de deux cent mille habitants, prise en otage, dans l’incapacité totale de fuir, topographie oblige.

Le terrain

Imaginez un secteur agrippé aux flans de la montagne surplombant Medellin, aux accès compliqués.

Impossible d’y pénétrer, voire même simplement de s’en approcher, sans être remarqué par les sentinelles haut-perchées, lourdement armées. Impossible de fuir sans risque de se faire tuer… Personne n’y rentre, personne n’en sort. Ni la police, ni les innocents.

Imaginez des escaliers abruptes, des recoins sombres, des ruelles insalubres.

L’ambiance

Imaginez enfin les jeunes endoctrinés, imaginez les parents pleurant leurs enfants, imaginez les cadavres s’entassant, imaginez les femmes violées publiquement, imaginez les cris de lamentation, les gémissements de la torture, les deals, la drogue, les armes, la violence, les balles perdues, les exécutions… Sans aucune chance d’amélioration.

Bienvenue dans l’enfer sur terre de la Comuna 13!

Trois opérations militaires

Vous vous demandez certainement comment ce secteur torturé a pu devenir un quartier ultra touristique, tourné vers l’avenir. «Grâce» à (ou «à cause de», c’est selon…) différentes opérations militaires. Pourquoi hésiter sur les termes à employer? Car, vous vous en doutez, les opérations militaires colombiennes ne sont pas toujours exemptes d’irrégularités.

L’opération Mariscal

Cette première opération se déroula le 29 mai 2002. Neuf cents hommes de la force publique envahirent la Comuna 13. Résultat: un échec cuisant. La présence sur place de la presse et d’organisations de défense des droits de l’homme, témoins des exactions des militaires sur une population innocente, limita «la casse». L’opération se soldera par la mort de neuf civils (dont quatre enfants), trente-sept blessés et cinquante détentions arbitraires.

L’opération Antocha…

… fut un échec total… No comment!

L’opération Orion

Cette opération se déroula le 16 octobre 2002, date à laquelle quelques trois milles hommes (armée, police, bataillons,…) se lancèrent à l’assaut de la Comuna.

Si cette opération de délogement des différents groupes mentionnés précédemment est une réussite, les pertes civiles sont énormes… bien qu’aujourd’hui encore difficiles à chiffrer, les morts ayant étés sauvagement dissimulés dans des décharges publiques… On ne parlera alors que de «disparitions forcées».

La Comuna 13 aujourd’hui

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas ici pour juger les actions passées, ni même pour faire le procès du gouvernement d’alors. Non… Je suis ici pour vous parler d’un secteur que j’ai visité en famille, que j’ai découvert estomaquée, que j’ai aimé. Un secteur coloré, empreint de positivisme et de bonne humeur. Un secteur désenclavé grâce au travail acharné de la maire de Medellin, notamment grâce à un réseau d’escalators qui relie enfin la Comuna 13 au reste de la ville.

Un secteur certes toujours pauvre, mais fier du chemin parcouru.

J’appréhendais…

…non pas une violence résiduelle, mais d’éprouver une sensation de voyeurisme à me balader dans ses rues en écoutant un guide local m’expliquer les atrocités qui y ont été perpétrées. J’avais peur de véhiculer l’image d’une riche venue d’Europe à la recherche d’un exotisme violent. Mais ce que le touriste découvre n’est pas l’exhibition morbide, mais pour autant lucrative, d’un passé sordide. Il y découvre une énergie propre à une population qui se bat pour son coin de Paradis. Il y découvre une histoire placardée sur les murs des barrios, rappelant l’enfer du passé, mais surtout la beauté du présent et l’espoir en l’avenir. Il ne s’agit pas de se lamenter sur les atrocités perpétrées en ces lieux, il n’y a pas si longtemps de ça.

Il s’agit de profiter de cette deuxième chance qui leur est offerte. Et je peux vous assurer que les habitants de la Comuna 13 sont non seulement conscients que leur avenir est dans leurs mains, mais qu’ils travaillent dur pour préserver ce qu’ils ont si durement acquis.

Medellin vs Bogota

Medellin vs Bogota

Ou le choc des mégalopoles colombiennes (Bogota: 8 millions d’habitants, Medellin: 2,5 millions d’habitants).
Gros plan sur deux villes que tout, ou presque, oppose.

Hey, mais il fait chaud!

Premier choc: la température. A Medellin, il fait bon chaud. La température diurne moyenne est de 28° alors que la température nocturne moyenne est de 16°. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’elle est surnommée «Ciudad de la Eterna Primavera» (ville de l’éternel Printemps). Rien à voir avec la météo capricieuse, humide et froide de Bogota!

Hey, mais ils sont sympas!

Ah bah ça aussi, ça fait tout drôle! Des gens sympas, affables, qui se préoccupent du bien-être des touristes! On nous a souri, on nous a parlé, on nous a aidé, on nous a cédé une place assise dans le métro bondé pour que nos enfants puissent respirer autre chose que les fesses des usagers. On ne savait même plus qu’un tel savoir-vivre était possible tant nous sommes maintenant habitués à l’égocentrisme et l’individualisme qui prévalent dans la capitale.

Hey, mais il a un métro?

Alors que Bogota a trouvé bon d’investir dans les énergies fossiles et de construire un réseau de bus qui «pollue sa race», Medellin a investi dans un métro aérien.

Si cette dernière est évidemment polluée, comme toutes les grandes villes de ce monde, rien à voir avec l’atmosphère surchargée en particules de Bogota.

Bien sûr, il convient de comparer ce qui est comparable. Bogota est bien plus grande et bien plus encombrée que sa petite sœur. Mais si seulement, ces bus antédiluviens qui crachent une fumée noire étaient remplacés par des bus électriques… Keep dreaming!

Hey, mais ils ont su se reconstruire?

Je vous parlerai, dans un prochain billet, des barrios dits de la Comuna 13, à Medellin.

Un gigantesque secteur qui a su renaître de ses cendres après des années de guerre civile. Mais ce que je peux vous dire déjà, c’est que c’est un véritable modèle de réinsertion et de transformation. Ce qui était alors un mortel ghetto est devenu «the place to be»!

Et sinon?

Evidemment, tout n’est pas tout rose au pays de Medellin. Pour vous en parler, il me faut tout d’abord vous rappeler l’histoire de cette ville. Une histoire sanglante qui a pour figure de proue el padron, j’ai nommé Pablo Escobar.

Pablo, un business lucratif

Je ne vous mentirai pas, nous ne sommes pas allés sur les traces de Pablo Escobar. Si je demeure curieuse de son histoire, je ne souhaitais pas participer aux visites thématiques sur le sujet, qui s’apparentent, à mon sens, à du voyeurisme morbide. (Nous aurions pu, par exemple, choisir le tour guidé proposé par l’ancien homme de main du chef du cartel. Il nous aurait décrits les 300 meurtres perpétrés par ses soins, il nous aurait avoué avoir participé à environ 3000 autres et coordonné 200 attentats à Medellin…) Mais, à quoi bon ? Savoir que la ville a été à feu et à sang et que des milliers de personnes ont souffert à cause de lui me suffit… Si je puis dire.

Je vais donc me borner ici à vous rappeler quelques points importants.

Plata o plomo

Vingt ans durant, des années 70 aux années 90 environ, la ville de Medellin était aux mains des barrons des cartels de la drogue, dont notamment le fameux cartel de Medellin dirigé par Pablo Escobar.

Ces années furent empreintes de terreurs, de massacres, d’attentats, de règlements de compte ou de meurtres… Medellin était alors considérée, à juste titre, comme l’une des villes les plus dangereuses au monde. (Je vous parlerai dans un prochain billet de la terreur qui succéda au règne d’Escobar et qui dura jusqu’en 2002).

Pablo Escobar, qui fut tué en 1993 après une longue traque, compte officiellement à son actif les meurtres de 600 policiers, 3 candidats à la présidence de la République, 3 ministres ou anciens ministres, 200 juges, des dizaines de journalistes, plusieurs centaines (pour ne pas dire milliers) d’innocents. Ces chiffres sont évidemment contestables, selon les dires même de son homme de main.

Et aujourd’hui?

Les autorités de Medellin ont réalisé un véritable exploit: transformer une ville redoutée en un lieu prisé. Pour autant, il ne faut pas totalement se voiler la face. L’héritage poudré de Pablo Escobar existe toujours et il est des quartiers qu’il vaut mieux éviter. Certains barrios sont aujourd’hui encore «craignos» et il ne fait pas bon s’y perdre.

A voir, à faire à Medellin

La ville de Medellin regorge d’activités, que j’énumérerai rapidement ici:

  • visite de la Comuna 13
  • tour en télécabine
  • visite et fête dans le Poblado, quartier branché de la ville
  • visite du parque Explora (un must avec des enfants)
  • visite de la place de Botero

On adore ses statues…. Allez savoir pourquoi, j’ai un faible pour celle-ci…

Je vous dis donc à très vite pour un billet consacré à la Comuna 13! Mais vous préviens déjà que ce ne sera pas très rigolo…

L’Eldorado

L’Eldorado

Tout le monde le cherche! Nous l’avons trouvé… L’Eldorado! Laissez-moi vous raconter cette histoire mythique qui prend son origine dans la campagne bogotanaise.

A la recherche de l’Eldorado

De tous temps, les conquistadors se sont bercés dans l’illusion qu’existait, quelque part en Amérique latine, une cité baignée de richesses. Cette quête vaine a dicté les actes de nombreux Européens fraîchement débarqués sur les terres du Nouveau Monde.

L’homme doré

Si cette légende est un mythe et que, évidement, pareille cité opulente n’a jamais existé, elle puise ses racines dans la mythologie muisca (Les Muiscas étant un peuple vivant dans la région de Bogota entre 1000 et environ 1500).

Au début du 16e siècle, lorsque les explorateurs espagnols ont posé le pied en Amérique du Sud, le récit d’une tribu indigène située dans les hauteurs des Andes, proche de l’actuelle Bogota, leur a été conté. Lors de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau chef de tribu, une cérémonie au lac Guatavita inaugure son règne. Si les récits de cette cérémonie diffèrent, tous décrivent le nouveau dirigeant recouvert de poudre d’or («el dorado», littéralement «le doré») et indiquent que de l’or et des bijoux précieux étaient jetés dans le lac en vue d’apaiser un dieu se trouvant dans les profondeurs.

Trouver l’or…

A tous prix !!! La quantité d’or dont disposaient les peuples de la région, ainsi que le rituel décrit ci-dessus motiva les explorateurs à chercher frénétiquement le trésor englouti au fond du lac Guatavita. Un lac encerclé de montagnes. Les expéditions se succédèrent et les idées farfelues avec elles! En 1545, les Espagnols décidèrent de vider le lac en cassant une partie de la montage.

L’eau se déversa ainsi, abaissant son niveau. La profonde entaille infligée à la montagne est aujourd’hui encore visible…

Un évier

Si cette tentative fut un échec partiel (ils découvrirent quelques pièces d’or malgré tout), la tentative la plus ahurissante et, de loin, la plus pathétique, date de 1910, date à laquelle une compagnie britannique creusa un tunnel sous le lac jusqu’en son centre, pour le vider tel un évier. Le sol étant trop boueux, la tentative fut un échec cuisant.

Laguna Guatavita

Je vous ai dit, en début de ce billet, que nous avions trouvé l’Eldorado. Ou du moins, un Eldorado: une balade dans la pureté des terres muiscas, baigné d’une nature exubérante et souveraine, loin de l’agitation et de la pollution de la capitale. En route pour la Laguna Guatavita!

Un Paradis sur terre que je vous conseille de visiter si vous venez à Bogota !

Visite guidée obligatoire

Certes, l’authenticité de la balade est quelque peu entachée par la visite guidée imposée à tous les visiteurs. En troupeau, vous suivez le guide qui vous mène en haut de la montagne. Pourtant, rien ne vous empêche de trainer les pieds pour vous retrouver seuls, en fin de groupe et de jouir ainsi, d’une nature exclusive.

En outre, les guides, passionnés, partageront avec vous la philosophie de vie muisca. Une philosophie profondément positive, bienveillante et en accord avec mère Nature. Nous pourrions en prendre de la graine…

Pour les familles, sachez que cette balade est à portée des petits enfants! Jack, notre minus de trois ans, a monté les 160 marches (environ) et a serpenté le long du chemin qui mène de l’entrée du site à la Laguna Gutavita!

Le secret bancaire made in Colombie

Le secret bancaire made in Colombie

Enfer et damnation! Mais où est donc passé le bon vieux secret bancaire? Celui auquel les Suisses tenaient tant? Et ben je peux vous dire qu’il n’est pas à Bogota. Retour sur une mésaventure typiquement colombienne.

Ouverture d’un compte en banque

Comme beaucoup de gens autour de cette terre, nous avons eu à ouvrir un compte en banque. Peut-être vous souvenez-vous à quel point obtenir une ligne internet est compliqué? Je vous laisse donc imaginer les tracasseries auxquelles nous aurions dû faire face pour ouvrir un compte. Oui, oui, j’ai bien dit «aurions».

L’unité colombienne du HCR accueillant toujours plus d’expatriés, crise vénézuélienne oblige, le bureau de mon mari a eu la bonne idée de travailler avec une banque. Cela dans l’objectif de faciliter les démarches de leurs employés.

Réunion de groupe

Une agente habituée du « cas » étranger est donc mandatée par le HCR afin de nous permettre de remplir les différents documents nécessaires à l’ouverture d’un compte. Bien sûr, son temps étant précieux, elle décide de fusionner les rendez-vous! Attendez, Jessica va ouvrir un compte en même temps que vous!

Secret : 0, divulgation : 1

Mon mari, Jessica et moi-même nous sommes donc retrouvés en même temps face à la gentille petite dame. Une petite dame qui ne se rend absolument pas compte que pour nous, Européens, il est totalement inconcevable de discuter salaires, cartes de crédit ou cartes de débit face à un autre client de la banque. Nous nous sommes donc tous regardés, un petit peu gênés. Nous nous sommes demandés en français: non, mais on va vraiment faire ça en groupe? Et nous avons rapidement compris que le secret bancaire est une notion toute relative en Colombie.

Femme dépendante

Alors là, c’était le pompon du pompon. La claque misogyne infligée par une autre femme. La réalité du peu de cas qu’est fait de «la femme d’expat ». Vous savez? Cette godiche dont la vacuité de la vie la pousse à suivre bêtement son mari à l’étranger, tel un petit toutou docile qui préfère aller chez le toiletteur plutôt que de travailler.

Qu’elle ait une vie intellectuelle épanouie, qu’elle s’occupe avec dévotion de sa famille ou qu’elle cherche activement un emploi n’est pas une constituante valable de cette typologie d’être humain. Je ne suis, aux yeux de la banquière (et du HCR soit dit en passant), qu’une femme dépendante.

Un plafond ?

C’est tout juste si j’ai un nom en réalité. Et pour pousser l’humiliation un petit peu plus loin, voilà la question qu’elle a posé à Cédric, face à cette fameuse Jessica. Et face à moi…

  • La banquière à mon mari (en Espagnol): souhaitez-vous plafonner les montants que votre femme peut dépenser?
  • Moi à la banquière (en Espagnol): je vous demande pardon?
  • Re la banquière à mon mari (en Espagnol): souhaitez-vous limiter les dépenses de votre femme?
  • Moi à mon mari (en Français): nan mais elle se rend compte que je suis assise là en face d’elle?
  • Moi à la banquière (en Espagnol): non, il ne va pas me mettre de plafond.

Mon mari a trouvé cette scène à mourir de rire. Je dois avouer qu’elle m’a fait rire jaune.

Fais péter la carte baby

Eh ouais! J’ai pas de plafond!

Je peux donc aller chez le toiletteur toutes les semaines si je veux! Et bim dans ta face, la banquière.